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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 100.djvu/760

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maintienne mieux l’équilibre entre la liberté et l’autorité, et qui fasse une part plus raisonnable aux laïques dans le gouvernement de l’église. Le système synodal combine également les droits de la commune ecclésiastique avec ceux de l’assemblée souveraine. Une telle création montre que le génie français est aussi capable qu’aucun autre de comprendre les conditions de la liberté.

Le régime synodal fonctionnait avec une régularité parfaite en vertu de l’édit de Nantes. Le représentant du roi gênait bien quelque peu les délibérations ; mais pour tout ce qui était essentiel les synodes conservaient leur indépendance. Après la révocation, les synodes furent tenus à intervalles irréguliers pendant toute la fin du XVIIIe siècle. Ils ne trouvèrent pas grâce devant l’auteur du concordat. En traitant avec les églises protestantes, il devait leur enlever toutes les conditions d’une liberté sérieuse. Il les enveloppa dans le réseau savamment ourdi des lois de germinal. Il se donna l’apparence d’accepter l’organisation de ces églises ; en réalité, il la modifia profondément. Le synode général ne fut qu’une lettre morte ; l’élection, fut partout supprimée ou escamotée ; les plus imposés furent les grands électeurs des consistoires, qui absorbèrent les églises locales dans une agglomération artificielle. Dans le système de germinal, les pasteurs sont nommés par l’état sur la présentation des consistoires. L’église protestante n’a aucun moyen de se gouverner elle-même et par suite de veiller au maintien de sa doctrine et de sa discipline. Napoléon en fait un cadre administratif ; il croit l’avoir calmée pour jamais en la salariant. Babaud-Dupuy, président du corps législatif, exprimait naïvement la pensée du premier consul quand il écrivait aux églises sur le ton d’un parfait contentement : « Nos pasteurs sont reconnus fonctionnaires publics ; ils sont salariés par le gouvernement. » C’est pourtant aux délégués de ces pasteurs que Napoléon adressa son fameux discours sur la liberté des cultes, dans lequel il vouait à l’exécration publique celui de ses successeurs qui ne saurait pas la respecter ; il le terminait par cette admirable parole, bien étrange dans sa bouche : « l’empire de la loi finit où commence la conscience. » Il n’était pas possible de flétrir d’un mot plus sanglant la législation de germinal an X, dont Samuel Vincent, l’un des représentans les plus éminens du protestantisme à cette époque, disait avec raison qu’elle blesse la conscience sur tous les points.

Ces belles institutions durèrent jusqu’au 26 mars 1852. Le dictateur de décembre trouva bon d’entremêler ses décrets politiques d’une haute fantaisie ecclésiastique ; il réorganisa d’office l’église protestante sans la consulter. Il se garda bien naturellement de lui rendre ses assemblées délibérantes ; il la dota du suffrage