Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 102.djvu/706

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

exportations n’atteignent d’ordinaire que 27 ou 28 millions, sur lesquels le raisin de Corinthe, la seule richesse du pays, figure pour près de moitié. La Grèce, qui est couverte d’oliviers, ne vend que pour 250,000 drachmes d’huile ; elle en demande pour 500,000 à l’étranger. La dernière statistique publiée par le ministère grec évalue, pour une période de dix années, la supériorité de l’importation sur l’exportation à 250 millions de drachmes. En Russie, en Portugal, en Espagne, en Danemark, en Autriche, la valeur des produits qui entrent dans le pays l’emporte sensiblement sur celle des marchandises vendues à l’étranger. Nulle part la différence ne présente une proportion aussi importante. Ce qui permet au royaume grec de vivre malgré ces conditions défavorables, c’est surtout sa marine marchande. Cette marine compte plus de 5,000 navires évalués à 300,000 tonneaux. Ce chiffre dont les Grecs tirent grand orgueil est insignifiant, si oh le compare à celui des nations les plus commerçantes de l’Europe ; il permet cependant au pays de rivaliser avec la Russie, avec l’Italie et l’empire ottoman, dont les marines marchandes réunies comptent environ 600,000 tonneaux, de faire dans toute la Méditerranée un commerce important. Ces transports donnent à la Grèce l’argent qu’elle ne tire pas de son sol, ils l’associent à de nombreuses spéculations, surtout sur les blés ; ils sont le plus clair de ses revenus. Il faut ajouter à ces bénéfices les sommes peu considérables, il est vrai, mais précieuses pour un état pauvre, que dépensent les étrangers dans le pays. Ainsi se rétablit l’équilibre de la dépense et de la recette dans un royaume qui achète et ne vend pas.

Cet état, qui n’a pas la résolution de s’enrichir, croit que, s’il possédait les montagnes de l’Épire, la plaine de Larisse et les rochers du Pinde, il trouverait dans ces nouvelles acquisitions de merveilleuses ressources. C’est là une étrange illusion. Les Grecs feraient des nouvelles provinces ce qu’ils ont fait du royaume ; s’ils ne tirent pas de leur pays ce qu’il peut donner, s’ils en laissent les cinq sixièmes en friche, c’est qu’ils ont d’autres soucis. Ce peuple, facilement affranchi des préoccupations matérielles, qui sont si rudes sous d’autres climats, s’abandonne au plaisir de ne rien faire. Le farniente de la Grèce n’est pas l’indolence, l’Hellène est toujours actif ; tantôt sur la place où il se promène, tantôt au bakal ou cabaret où il ne cherche jamais cette somnolence chère aux tavernes du nord, il parle, il discute, il s’écoute et il écoute les autres. Rien ne lui est doux comme l’oisiveté, pourvu qu’il cause. Il est arrivé à tous les voyageurs en Orient de subir de longues quarantaines où on ne trouve ni distraction ni confortable ; le Grec, même habitué à la vie luxueuse, se fait aisément à ces ennuis ; il s’étonne de vos plaintes,