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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 99.djvu/420

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à cause de son climat malsain, dut ensuite être remplacée par celle de Tacubaya, sorte de faubourg de Mexico, les différens états de l’Amérique du Sud, le Mexique compris, se seraient réunis par leurs représentans pour concerter leurs intérêts communs. Les États-Unis furent vivement sollicités de prendre part à la réunion, qu’on eût rendue périodique. Des citoyens éminens de la république-modèle, M. Adams, M. Webster, M. Clay, y étaient favorables. C’eût été la reproduction sur une grande échelle, avec des pouvoirs plus effectifs, du conseil des amphictyons de la Grèce. Par là, toute guerre entre deux états américains fût devenue quasi impossible. Les républiques hispano-américaines, qui presque toutes traînent, en dehors des voies du progrès, une existence agitée, pénible, quelques-unes misérable, s’appuyant l’une sur l’autre et soutenues par les États-Unis, auraient pris des allures en même temps plus hardies et plus sûres. C’eût été une institution internationale dont, avec de la bonne volonté, on eût fait le type du genre ; mais les États-Unis, dont la position dans le monde en eût cependant été fort agrandie, n’ont pas encouragé cette fondation. Ils ont manqué là une occasion magnifique. Il n’est peut-être pas impossible de reprendre cette grande pensée. Ce serait pour le peuple des États-Unis le moyen de démontrer que sa supériorité sur l’Europe, qui est pour lui un article de foi, n’est pas une prétention vaine. De même que Voltaire écrivait :

C’est du nord aujourd’hui que nous vient la lumière,


les nations européennes auraient alors lieu de dire que le soleil se lève à l’occident, et que leurs enfans du Nouveau-Monde les surpassent fort en sagesse.

Un événement pareil n’est cependant pas dans la vraisemblance aujourd’hui. Les États-Unis semblent ne porter aucun intérêt aux autres peuples du Nouveau-Monde et n’éprouver pour eux aucune sympathie. De même que les Allemands dans l’ancien monde, ils se tiennent pour une race privilégiée, faite pour dominer ou asservir les autres. Ainsi l’adoption d’un droit international conforme à l’égalité et à la fraternité des peuples ne semble pas avoir plus de chances dans l’hémisphère occidental que dans le nôtre. Tel est le pronostic du moment.


MICHEL CHEVALIER.