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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 104.djvu/261

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sept ans si on osera s’en débarrasser, s’il aura le sort des stipulations du traité de Paris.

« L’article 5 ! Qui s’avise d’en parler ? Personne dans l’empire allemand, du moins sans y être forcé. Qui y songe encore ? Tous ceux qui suivent avec intérêt les destinées changeantes du droit des traités. » C’est ainsi que débute un petit livre signé par un publiciste allemand qui s’est fait connaître depuis longtemps comme un des plus ardens champions de la cause danoise. L’article 5 du traité de Prague, cette promesse jamais reniée, jamais tenue, n’est-ce pas en effet comme la pierre de touche de la conscience moderne ? Cette porte, qui depuis sept ans n’est ni ouverte ni fermée, — qui n’est pas ouverte, puisqu’on n’y peut passer, et qui n’est pas fermée, puisque les habitans du Slesvig conservent toujours l’espoir d’être rendus au Danemark, — n’est-ce pas une preuve que la force ne prime pas toujours et partout le droit ? On se rappelle la teneur de l’article 5 de la paix qui fut conclue à Prague sous les auspices et grâce à l’intervention de la France. « L’empereur d’Autriche cède au roi de Prusse tous ses droits sur les duchés de Holstein et du Slesvig, avec cette réserve, que les populations du Slesvig septentrional seront laissées au Danemark, si par un vote libre elles expriment le vœu de lui rester unies. » Dans les premiers temps, on avait l’air à Berlin de prendre cette stipulation au sérieux. « Nous sommes, disait M. de Bismarck au mois de décembre 1866, nous sommes engagés, il est vrai : ni le vote du comité ni les résolutions de la chambre ne peuvent nous délier de nos promesses ; mais du moins la condition qui nous est imposée sera par nous exécutée de telle sorte qu’il n’y ait aucun doute sur l’indépendance et la loyauté du vote ainsi que sur la volonté populaire dont il devra être l’expression. » A force de retourner ce désagréable article 5, M. de Bismarck ne devait pas tarder à y découvrir quelque chose que le traité « ne prévoit pas expressément, mais qu’il n’exclut pas non plus ; » c’était le droit pour la Prusse d’exiger des garanties en faveur des Allemands qui continueraient de résider sur les territoires rétrocédés, car « les minorités ont droit également à notre protection. » On avait trouvé l’échappatoire qui permettait d’ajourner l’exécution complète du traité et, pendant les négociations engagées sous ces heureux auspices, de préparer par tous les moyens « un vote indépendant et loyal. » On avait gagné du temps pour germaniser les duchés ; on se mit à l’œuvre bravement, avec conviction. Les procédés employés par la Prusse sont connus : les échos qui nous arrivent de ces pays opprimés en font une étrange peinture.

Cependant les populations du Slesvig s’obstinent dans leur résistance ; loin d’être éblouies par la brillante fortune de la grande patrie, elles se sentent plus que jamais solidaires avec l’honnête petit pays dont on les a violemment détachées. L’infatigable protestation de leurs députés,