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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 104.djvu/34

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Afrique. Il arrivait maintenant de Constantine pour prendre la direction supérieure des opérations dans le nord. Le premier soin de Faidherbe, dès son arrivée vers les premiers jours de décembre, était de compléter l’organisation de son armée, c’est-à-dire du 22e corps, qu’on portait immédiatement à trois divisions, l’une sous le général Lecointe, l’autre sous le général Paulze d’Ivoy. Une troisième division, sous les ordres de l’amiral Moulac, comptait un régiment de fusiliers-marins qui était des plus solides. Bientôt on créait un 23e corps où les mobilisés entraient nécessairement pour une grande part. L’armée se trouvait ainsi composée de deux corps placés, l’un sous les ordres du général Lecointe, l’autre sous le général Paulze d’Ivoy. Elle n’a jamais dépassé de beaucoup 40,000 hommes ; aux meilleurs momens, elle ne comptait guère plus de 30,000 ou 35,000 hommes au feu. La seconde préoccupation de Faidherbe était naturellement de savoir ce qu’il ferait avec cette armée. Il sentait que, réduit à ses propres ressources, ayant peu de communications avec le reste de la France, dont il était séparé de tous côtés par l’invasion, il ne pouvait que bien difficilement frapper de grands coups ; mais il comprenait aussi que, protégé par les places du nord, ayant toujours ce puissant abri assuré dans ses retraites, il pouvait manœuvrer de façon à menacer incessamment l’ennemi, à l’inquiéter dans ses positions, en attendant, en cherchant l’occasion de pousser en avant par quelque entreprise plus décisive. C’était en un mot une guerre de tactique qui s’imposait d’elle-même, que la nature du champ d’opérations inspirait et favorisait.

Les jours étaient précieux. A peine arrivé, Faidherbe, sans perdre un instant, mettait en mouvement les trois divisions dont il pouvait déjà disposer. Une simple apparition des forces françaises vers Saint-Quentin suffisait pour faire reculer les détachemens ennemis. Dès le 9 décembre, le général Lecointe, par un vigoureux coup de main, enlevait la petite place de Ham, où il faisait 210 prisonniers. Trois jours après, on se présentait devant La Fère, qu’on ne pouvait sans doute se flatter d’enlever aussi aisément que Ham, mais que la présence des soldats français étonnait singulièrement. Ainsi cette armée du nord que les Allemands croyaient avoir détruite ou désorganisée le 27 novembre rentrait en campagne, et reversait sur les lignes ennemies avant le 15 décembre. La pensée du général Faidherbe était de se rejeter sur Amiens, de tenter l’attaque des positions prussiennes, et dans tous les cas de dégager par ses démonstrations la Normandie, la place du Havre, qu’on croyait déjà sérieusement menacée. Averti de ce changement de situation par les mouvemens de l’armée française aussi bien que par la rupture des lignes télégraphiques, entre La Fère, Amiens et Rouen, le général de Manteuffel ne tardait pas en effet à s’inquiéter, et se