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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 104.djvu/40

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où il n’y avait plus à hésiter, où la fortune de la France se décidait de tous les côtés. Elle était déjà décidée sur la Sarthe par la bataille du Mans. La grande partie de l’est n’était encore ni gagnée ni perdue, quoiqu’il y eût bien peu de chances. D’un instant à l’autre, Paris ne pouvait manquer de faire une tentative suprême et désespérée. L’armée du nord, à son tour, devait jouer son rôle dans cette grande convulsion de la défense nationale, et ce rôle, elle ne pouvait le jouer qu’en retenant ou en attirant le plus de forces possible. Faidherbe le sentait bien, il savait aussi qu’il allait avoir les plus sérieuses difficultés à vaincre. « Le moment de se dévouer était venu, » dit-il ; c’est le secret de ce mouvement qui allait aboutir quatre jours après à la bataille de Saint-Quentin.

Au premier moment, les Prussiens ne laissaient pas d’éprouver quelque incertitude ; ils hésitaient, voyant tout à la fois la démonstration sur Amiens et d’un autre côté la rentrée à Saint-Quentin d’une force française venant directement de Cambrai. Ils étaient cependant en éveil, ils s’agitaient sur toute la ligne, et l’armée de Faidherbe, partie le 16 janvier d’Albert pour se diriger par le nord de Péronne sur Saint-Quentin, était à peine en marche que déjà elle se trouvait aux prises avec l’ennemi. Le 17, la division Derroja avait un petit engagement à Templeux avec la division prussienne Barnekow. Le 18, entre Péronne et Saint-Quentin, à Vermand, éclatait un combat des plus vifs qui nous coûtait 500 hommes, sans interrompre toutefois la marche de nos soldats, qui faisaient la meilleure contenance. Ce n’était là au surplus que le prélude de l’affaire décisive qui se préparait. La vérité est que, le lendemain 19 janvier, les deux armées, qui se suivaient presque parallèlement, se trouvaient assez rapprochées autour de Saint-Quentin pour que le choc fût inévitable, et par une coïncidence qui n’avait, je crois, rien de calculé, qui résultait d’un simple hasard, c’était ce jour-là même que Paris tentait cette sortie de Montretout où allait expirer le dernier souffle de la défense.

L’armée française, forte à peu près de 40,000 hommes, était allée camper le soir du 18 aux abords de Saint-Quentin, qu’elle contournait par l’ouest et le sud, faisant face tout à la fois aux quatre routes de Péronne, de Ham, de Chauny, de La Fère, par où l’ennemi devait venir. Elle avait de solides positions sur des hauteurs à 3 ou 4 kilomètres de la ville. A l’ouest, le 23e corps se développait entre le moulin de Rocourt et le village de Fayet, fortement occupé, de façon à garder la ligne de retraite par les chemins de Cambrai et du Cateau. Au sud, le 22e corps s’étendait de Gauchy à Grugis. C’était une sorte d’arc de cercle décrit autour de Saint-Quentin et coupé par le canal, dont nous occupions les deux côtés.