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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 104.djvu/41

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Ainsi on avait de bonnes positions, l’appui d’une ville abondante en ressources et une retraite assurée vers Cambrai. L’armée allemande que Faidherbe avait devant lui et qui était restée sous le commandement supérieur du général de Gœben depuis que Manteuffel était parti pour l’est, cette armée était certainement considérable, et de toute façon elle avait l’avantage. Elle avait pour elle la puissance de l’organisation avec l’orgueil du succès, toutes les facilités de concentration et de recrutement, l’appui des places de l’Oise et de la Somme, de La Fère et de Péronne. Dès le 17 janvier, elle comptait 48 bataillons, 52 escadrons et 162 bouches à feu, elle attendait en outre une brigade qu’on lui promettait de Paris, qu’on expédiait par le chemin de fer, et la garnison d’Amiens, qu’on faisait partir pour Ham en la remplaçant par des troupes de Rouen. Elle s’était concentrée rapidement et avait pu arriver aussitôt que nous devant Saint-Quentin, par une raison assez simple, c’est qu’elle avait à suivre une ligne droite, tandis que nos soldats, partant d’Albert, sur le chemin de fer du Nord, avaient à décrire une courbe pour éviter Péronne. Aussi se trouvait-elle en position le soir du 18 en même temps que notre armée, elle était à 15 kilomètres de Saint-Quentin en face de Faidherbe. Le général de Gœben avait, à ce qu’il paraît, un plan des plus sommaires, il voulait tout simplement nous « envelopper. » Ses seules dispositions pour la bataille, dit le major Blum, se bornaient à donner l’ordre à toutes les troupes « de se mettre en mouvement à huit heures du matin et d’aborder l’adversaire dans la direction de Saint-Quentin, » par la route de Péronne, par la route de Ham, par le chemin de fer de Tergnier, par la route de La Fère. Pour simplifier les choses, le général de Gœben avait confié l’exécution de son plan au général de Kummer, chargé de tous les mouvemens de son aile gauche, et au général Barnekow, chargé de toutes les opérations de son aile droite. Ainsi s’engageait cette bataille meurtrière par un temps qui n’était plus aussi froid que quelques jours auparavant, mais qui n’était pas plus favorable à une action militaire : un effroyable dégel avait détrempé les champs et défoncé les routes.

Ce n’était pourtant pas aussi facile que le croyait le général de Gœben de déloger nos soldats. — Le 19 au matin, le combat commence du côté du 22e corps, sur lequel se portent les divisions prussiennes conduites par Barnekow, et ici pendant sept heures la lutte se prolonge au milieu des péripéties les plus sanglantes. Le général Du Bessol est gravement blessé en menant sa division au combat. Le colonel Aynès, commandant d’une brigade, tombe mortellement frappé à la tête de ses troupes. Aux efforts des Allemands pour déborder nos positions de gauche, on oppose la résistance la