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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 104.djvu/42

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plus énergique. Le commandant Tramond, avec des bataillons du 68e de marche, charge les Prussiens à la baïonnette et arrête leur mouvement. Six fois les hauteurs avancées de Gauchy sont assaillies par l’ennemi avec des troupes toujours nouvelles, et six fois nos soldats repoussent ces assauts. Ils s’avancent jusqu’à vingt pas des Prussiens, ils brisent de leur feu une charge d’un régiment de hussards lancé contre eux. Au bout de tant d’efforts, après sept heures de combat, notre ligne finit par se rompre et nos soldats sont obligés de se replier jusqu’à Saint-Quentin, jusqu’au faubourg d’Isle, où ils profitent de quelques barricades pour arrêter l’ennemi. Du côté du 23e corps, à l’ouest, la lutte, engagée un peu plus tard par le général Kummer, n’est pas moins vive. C’est d’abord un combat de tirailleurs et d’artillerie pour la possession des bois et des villages qui séparent les deux armées. Vers deux heures, Kummer, déployant des forces considérables, fait attaquer vigoureusement le village de Fayet, où les Prussiens entrent un instant, menaçant ainsi la route de Cambrai ; mais une brigade de la division Payen ne tarde pas à revenir à la charge, et, appuyée par la brigade Pauly des mobilisés du Pas-de-Calais, elle réussit à reprendre le village, qui reste heureusement en nos mains jusqu’à la nuit. Sur la route de Ham, le général Paulze d’ivoy s’efforce de disputer le terrain et d’arrêter les progrès des Allemands.

On lutte tant qu’on peut. A travers tout cependant le mouvement de l’ennemi s’accentue sur les divers points de ce vaste champ de bataille, et à la tombée de la nuit nos troupes, exténuées par une journée de combat succédant à trois jours de marches forcées, se rejettent sur Saint-Quentin. Les têtes de colonnes prussiennes pénètrent à notre suite dans la ville. Le désordre se met un peu partout. C’est une cohue de soldats qui cherchent leurs corps, de débandés, de fuyards, sur lesquels le vainqueur fait main basse. Le général Faidherbe néanmoins a pu sauver ses lignes de retraite, et à la faveur de la nuit il se replie, poussant le 22e corps sur Le Cateau, le 23e corps sur Cambrai, laissant derrière lui plus de 3,000 hommes sur le terrain, quelques milliers de prisonniers, la plupart mobilisés, quatre ou cinq petits canons abandonnés dans la ville, mais ramenant ses quinze batteries de campagne intactes à Cambrai.

C’était une bataille perdue, complètement perdue pour nous, ce n’est pas douteux. Elle avait pourtant coûté cher à l’ennemi, qui avait près de 4,000 hommes hors de combat. Les Prussiens avaient eu besoin pour vaincre de toutes les forces dont ils disposaient, et même de cette brigade qu’on leur envoyait de Paris. Ici encore, il est vrai, le général de Gœben nie que l’issue de l’affaire ait pu dépendre