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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 104.djvu/766

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Le parti unitaire exalté, qui comptait sur le désintéressement de la France, fut profondément déçu. Il réclama le Valais, dont la France refusa de se dessaisir. Il voulut procéder à l’entière unification du pays, et là encore il rencontra les résistances de la politique française, intéressée à ne pas étouffer les querelles qui servaient de prétexte à son intervention. La diète fut cassée par ordre du gouvernement français ; une nouvelle constitution fut mise en vigueur le 29 mai 1801. Elle instituait un sénat de vingt-cinq membres, qui devait nommer, sous le nom de petit conseil, un pouvoir exécutif composé de sept membres, et un premier magistrat nommé le landamman Bientôt le landamman Reding, qui appartenait à la faction oligarchique, fut culbuté avec la connivence du premier consul, et remplacé par le landamman Dolder ; puis les troupes françaises procédèrent à une comédie d’évacuation qui devait amener presque aussitôt de nouveaux troubles. Les agitations recommencèrent, comme le voulait le premier consul : les petits cantons s’insurgèrent sous le commandement du général Reding ; de toutes parts, une nouvelle intervention fut demandée. Le landamman Dolder, renversé à son tour, se réfugia à Lausanne avec son gouvernement, et la contre-révolution triomphante s’établit à Berne Aussitôt le premier consul, qui n’attendait que cette occasion, fit entrer le général Ney avec 30,000 hommes, et la Suisse apprit pour la seconde fois ce qu’il en coûte aux nations faibles qui invoquent le secours de l’étranger pour échapper à des querelles de parti.

On connaît la fin de cette humiliante histoire : l’arbitrage du premier consul accepté ou plutôt subi par la confédération, — le pèlerinage à Paris des prétendus représentans de la république helvétique choisis en réalité par le premier consul lui-même, — l’offre qu’ils lui firent du pouvoir suprême, — la nouvelle constitution donnée par Napoléon Bonaparte à la Suisse et mise sous le protectorat français par l’acte de médiation du 19 février 1804. D’ailleurs le médiateur de la confédération helvétique s’était montré dans cette circonstance plus sage qu’il ne se montra plus tard, quand l’abus des conquêtes eut achevé d’égarer son génie. Cette médiation, si humiliante pour ce peuple réduit à demander des lois à l’étranger, était cependant empreinte d’un esprit de modération que n’imiteraient peut-être pas les gouvernemens qui essaieraient aujourd’hui de jouer à leur tour le rôle de médiateurs dans les affaires fédérales. Ce n était ni une reconstitution de l’ancien régime, ni une révolution radicale et difficile à faire prévaloir ; c’était une sage conciliation entre le présent et le passé, entre les besoins de concentration politique, qui commençaient à se produire, et les besoins d’autonomie locale, qui existaient alors et qui existent encore aujourd’hui.