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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 104.djvu/767

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Cette constitution assurait à la confédération l’unité politique nécessaire sans porter atteinte à la variété des anciennes institutions et des anciennes mœurs. À cette heure où les mêmes difficultés s’élèvent, la Suisse pourrait encore méditer avec profit l’acte de médiation de 1804.

Voici quels en étaient les traits principaux : la confédération se composait de dix-neuf cantons souverains, représentés par une diète fédérale. Chaque canton nommait au moins un député à la diète ; les cantons peuplés de plus de 100,000 âmes nommaient deux députés. La direction supérieure des affaires exécutives de la confédération était confiée successivement, par rotation et pour un an seulement, aux magistrats suprêmes des cantons de Fribourg, Berne, Soleure, Bâle, Zurich et Lucerne, disposition bizarre et théoriquement insoutenable, mais qui équilibrait à peu près, en fait, les principales influences. Du reste chaque canton conservait sa législation propre et sa constitution locale. Dans les cantons démocratiques, au nombre de cinq, le gouvernement direct de la landesgemeinde ou assemblée générale du peuple était maintenu sans changement. Dans les cantons aristocratiques, un cens électoral élevé était substitué aux privilèges de naissance et à l’inscription sur le livre d’or, de sorte que la bourgeoisie municipale devenait une bourgeoisie ouverte au lieu d’une aristocratie fermée. Les anciennes divisions territoriales, naturelles ou historiques, étaient rétablies le mieux possible, sauf l’émancipation des pays vassaux, qui devenait irrévocable. Enfin tout ce qu’il y avait de respectable et d’excellent dans les traditions de l’ancien régime était habilement approprié à l’esprit nouveau. En définitive, c’est avec cette constitution un peu surannée et fort médiocrement unitaire que la Suisse a vécu jusqu’en 1848, et il est probable que la révolution de 1848 elle-même aurait été retardée dans ce pays, si les traités de 1815 n’avaient pas altéré l’œuvre du premier consul en y restaurant plusieurs des abus de l’ancien régime.

En 1815 en effet, la Suisse fut agrandie aux dépens de la France, diminuée au profit de l’Autriche et portée à vingt-deux cantons. En même temps l’existence des cantons de Vaud et d’Argovie, affranchis par la révolution française, était remise en question par l’aristocratie bernoise. On remaniait les territoires de Berne et de Fribourg ; on favorisait le rétablissement des privilèges et des anciens sénats aristocratiques. Les nouveaux états, Vaud, Argovie, Tessin, Thurgovie, ainsi que Zug, Glaris, Appenzell et Saint-Gall, conservèrent seuls leurs institutions démocratiques. Un nouveau pacte fédéral fut proclamé à Zurich le 7 août 1815. La diète ne devait plus être composée désormais que de vingt-deux députés