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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 1.djvu/954

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nement M. le vice-président du conseil est allé l’autre jour dans la commission des trente pour demander qu’on en finît dans le courant du mois ; on lui a répondu que la question était grave, et M. Lucien Brun a ajouté lestement qu’il fallait prendre son temps, qu’on n’était pas pressé, de sorte que dans un intérêt de parti tout reste en suspens. Le provisoire s’ajoute au provisoire ; tout passe à l’état de prorogation indéfinie, mais non organisée.

Sans doute il y a dans la droite elle-même des hommes plus modérés qui se résignent à l’ajournement indéterminé de leurs espérances monarchiques, qui admettent même la république, pourvu qu’on ne leur demande pas de la proclamer trop haut, et qui surtout acceptent la présidence septennale dans ses conditions sérieuses d’indépendance et de durée. Ces hommes existent assurément ; ils ne sont pas insensibles à la situation de la France, ils comprennent la nécessité de ne point se refuser à la seule organisation possible du pays. Ils le sentent et ils le disent. Pourquoi donc ne se séparent-ils pas de ceux des légitimistes qui s’efforcent de tout empêcher ? Pourquoi ne pas prendre hautement parti pour une politique nouvelle de conciliation et de trêve dans les conditions actuelles ? Par le fait, sans le vouloir, on a l’air de rester avec une minorité turbulente qu’on blâme, mais dont on ne décline pas assez l’alliance ; on paralyse le gouvernement aussi bien que l’assemblée, et c’est ainsi qu’on arrive à ces neutralisations de forces, à ces équivoques, à ces confusions dont la chambre offre le spectacle toutes les fois qu’une sérieuse question de politique se présente. On croit avoir fait beaucoup par un vote qui clôt une discussion, et il se trouve qu’on n’a rien fait. Les légitimistes sont une partie de la majorité, dit-on, et il faut avant tout maintenir la majorité du 24 mai, du 19 novembre, c’est la loi parlementaire ! Fort bien, mais cette majorité comment la maintient-on ? à quel prix peut-on l’obtenir ? On ne peut se faire illusion : cette majorité ne se retrouve dans les circonstances graves que par l’effort d’une diplomatie parlementaire sans cesse occupée à renouer des fils toujours près de se rompre, par une suite de concessions ou de réserves sur les points les plus délicats, et il se trouve en définitive que ce sont les légitimistes intransigens qui, sans être la majorité, pèsent sur toutes les résolutions, sur l’action du gouvernement et.de l’assemblée, sur toute la politique. Ils réussissent jusqu’à un certain point dans leur tactique : ne rien faire et tout empêcher.

Sait-on quel est le résultat ? Il peut être également malheureux pour le gouvernement et pour l’assemblée. Ce système de concessions donne presque forcément à la politique du gouvernement une couleur qu’elle ne devrait pas avoir, qu’il ne voudrait pas lui-même sans doute lui donner, parce que c’est un véritable danger à l’extérieur comme à l’intérieur. Quant à l’assemblée, le dernier mot est l’impuissance dans la