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Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 12.djvu/385

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les forces militaires de l’Allemagne et abolissaient de fait « la situation internationale indépendante » que les préliminaires de Nikolsbourg avaient stipulée pour la Bavière et le Wurtemberg[1] Alexandre Mikhaïlovitch fit le même bon marché du Wurtemberg comme du Danemark, du trône de la reine Olga comme du berceau de la princesse Dagmar. Sur ces entrefaites éclata l’incident du Luxembourg, et le gouvernement français put mesurer le degré de bienveillance qu’il était parvenu à inspirer au cabinet de Saint-Pétersbourg par ses « remèdes héroïques » à l’égard de la Turquie. Le chancelier russe fut correct à coup sûr et très sincère dans son désir de la paix, mais il n’eut point pour la position de la France les égards que l’Angleterre elle-même croyait juste de lui témoigner, il sembla surtout préoccupé de ne point porter ombrage à son illustre ami de Berlin. Tout en glorifiant aussi M. de Beust pour son « courageux essai de rompre avec les rivalités mesquines, » le gouvernement russe ne se faisait pas faute d’encourager en même temps, de la manière la plus dangereuse et la plus provocante, la violente opposition slave dans l’empire de Habsbourg au moyen de ce fameux congrès de Moscou, dont il sera parlé dans la suite. D’autres déceptions encore, moins connues du public, mais non moins cuisantes, vinrent probablement s’ajouter à tous ces mécomptes, car l’Autriche aussi bien que la France ne tardèrent pas à opérer leur retraite sur ce terrain mouvant d’Orient et à faire leur jonction avec l’Angleterre pour maintenir désormais fermement les droits du sultan. La « consultation de médecins » prit décidément fin, et le malade légendaire ne s’en porta pas plus mal; mais tout fut dit dès lors pour les éventualités terribles de l’avenir.

« Il existe une entente entre Saint-Pétersbourg et Berlin, » avertissait de nouveau l’année d’après (le 5 janvier 1868) M. Benedetti en désignant toujours la mission souvent mentionnée du général Manteuffel comme le point de départ de cet accord qui ne cessait de le préoccuper. « N’est-ce pas de ce moment en effet, se demande-t-il, que les deux cours marquent plus visiblement leur politique, la Russie en Orient et dans les provinces slaves de l’Autriche, la Prusse en Allemagne, sans que jamais il se soit élevé un nuage entre elles? Constamment unies dans toutes les questions, elles ont, chacune de son côté, poursuivi leurs desseins avec une confiance

  1. M. de Beust écrivait au sujet de ces conventions militaires avec une finesse résignée : « Une alliance établie entre deux états dont l’un est faible et l’autre est fort, alliance qui n’a pas de texte particulier, mais qui doit être maintenue en permanence pour toutes les éventualités de guerre, n’est pas de nature à faire croire à une existence internationale indépendante de l’état faible. » Dépêche au comte Wimpffen à Berlin, 28 mars 1867.