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Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 12.djvu/585

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mal qu’on ne peut empêcher ce qu’avec une dose raisonnable d’honnête persévérance on réformerait sûrement. Un mal réel existe donc. Est-ce le coton qui souffre, ou la faute est-elle ailleurs ? Nous pensons qu’en dehors du mal matériel que nous allons faire connaître bien des discussions pourraient être évitées, si les filateurs fixaient des limites d’achat moins étroites et si les intermédiaires ne cherchaient jamais à doubler leur commission par des combinaisons étrangères à la stricte bonne foi ; mais, avant d’entrer au cœur de la question, il convient d’apprécier le degré d’influence qu’ont exercé sur l’industrie cotonnière en général les circonstances difficiles qui ont entravé son champ d’exploitation. Depuis la guerre de sécession, qui, après avoir temporairement tari, la principale source où s’alimentait la fabrication européenne, créa d’autres lieux de production, l’industrie cotonnière s’est considérablement modifiée en s’adaptant aux exigences d’une situation nouvelle, et il s’est accompli un grand mouvement décentralisateur. Ces points lumineux, si petits comme surface, mais si grands, si puissans comme foyers d’activité et de richesse, Liverpool et Manchester, d’où rayonnent, après y avoir convergé sous la forme de matière première, les produits variés de l’industrie anglaise, ont vu leur apogée de splendeur. La France, la Suisse, la Belgique, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne ont plutôt augmenté que ralenti leur fabrication cotonnière. Les efforts de la Russie dans ce sens redoublent, et, favorisés qu’ils sont d’un côté par des droits protecteurs, de l’autre par des débouchés indigènes et limitrophes peu accessibles à la concurrence étrangère, il est probable que le vaste empire des tsars verra prospérer dans son sein l’industrie à laquelle l’Angleterre doit une partie de sa richesse. En un mot, partout où le coton pourra être transporté à prix réduit, partout où les moyens améliorés de fabrication pénétreront, on produira du fil et des tissus. Pourtant ces succès ou ces empiétemens partiels sur un ordre de choses commercial unique, considéré pendant longtemps comme inexpugnable, ne représentent encore que très faiblement la décentralisation industrielle qui se prépare.

Les États-Unis de l’Amérique du Nord, en 1860, filaient et tissaient pour les besoins indigènes environ 400,000 balles de leur coton annuellement, soit une quantité équivalente à une abondante récolte en Égypte, 1,800,000 quintaux. Les progrès de cette industrie naissante ont été tels, en dépit d’obstacles économiques presque insurmontables et de prévisions contraires, qu’un peu moins du tiers de la récolte de 1872-1873, qui dépassa 4 millions de balles, a été retenu dans les états manufacturiers. En d’autres termes, la filature dans la grande république absorba trois fois plus de coton en 1873 qu’en 1800, au de la de 1,250,000 balles, représentant