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Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 25.djvu/199

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contraire aux désirs populaires. On avait admis précédemment que le droit de vote appartiendrait à tout individu justifiant d’un revenu annuel de 25 livres sterling. Cela ne parut plus suffisant. L’attorney-général Porter, animé des intentions les plus libérales, eut beau faire valoir qu’il importait d’accorder la franchise non-seulement aux capitalistes, mais encore aux petites gens qui vivent de leur travail, que les hommes de couleur surtout ne devaient pas être mis de côté parce qu’il était à craindre qu’ils ne fussent opprimés par l’aristocratie des Européens. La liberté du travail, disait-il, n’existe que pour les citoyens en possession de se défendre par un vote contre l’oppression des hommes plus riches qu’eux. Il est assez bizarre de trouver l’expression d’un libéralisme si ouvert chez un magistrat colonial. La majorité ne se laissa pas convaincre. Le projet revint en Angleterre modifié de la façon la plus désavantageuse à l’égard de ceux qui ne possédaient pas de grandes propriétés ou un emploi bien rétribué.

A Londres, un changement ministériel était survenu. Bien que les whigs eussent abandonné le pouvoir, l’esprit de réforme prévalait encore dans le gouvernement. Le duc de Newcastle, à qui était échu le portefeuille des colonies, pensa que le conseil législatif de Cape-Town avait obéi sans mesure à des tendances réactionnaires. L’ordonnance que la reine signa sur son avis était plus libérale. Le droit de suffrage était concédé décidément aux citoyens pourvus de 25 livres sterling de rente. De simples ouvriers, vivant de leur salaire, figuraient à de certaines conditions sur les listes électorales, et cette résolution avait été prise avec le but avoué d’intéresser à la chose publique tous les citoyens, sans distinction de classe ni de couleur. On déclarait hautement que rien n’était plus propre à maintenir entre les habitans de l’Afrique australe, à quelque race qu’ils appartinssent, un même sentiment de loyauté envers la patrie commune. Quant à la sécession sollicitée entre les régions est et ouest de la colonie du Cap, le duc de Newcastle la repoussait, par le motif qu’il paraissait impossible de trouver dans les districts de la frontière orientale les élémens d’un gouvernement représentatif. Au gouverneur était accordé d’ailleurs la faculté de réunir les chambres dans une autre ville que la capitale dans le cas où l’intérêt public paraîtrait l’exiger.

Lorsque arriva le moment de mettre cette constitution en vigueur, sir H. Smith avait été rappelé par une sorte de disgrâce. Le cabinet britannique lui reprochait d’avoir, par une administration imprévoyante, poussé les Cafres à la révolte. Son successeur, le général Cathcart, après un séjour d’à peu près deux ans, était revenu en Angleterre juste à temps pour prendre une part glorieuse