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Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 25.djvu/200

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à la guerre de Crimée où il fut l’une des victimes de la bataille d’Inkermann. Sir Charles Darling était, à titre provisoire, chargé du gouvernement. Ce fut lui qui ouvrit, le 1er juillet 1854, la première session du premier parlement à Cape-Town. La bienvenue qu’il souhaita aux députés se résume en un mot : il se félicitait de voir en eux de fidèles sujets de la reine. Il était bon en effet de constater à ce moment que, malgré la diversité d’origine, en dépit du mélange de races, ce peuple d’Anglais, de Hollandais, de Hottentots et de Cafres, ne manifestait nulle envie d’échapper à la domination britannique.

Cette première période de l’histoire de l’Afrique australe qui nous fait assister à l’enfantement d’une colonie et à ses premiers développemens est pleine de faits. Guerres contre les indigènes, guerres intestines, migration en masse ; on serait tenté de croire que tant d’événemens n’ont dû produire que l’anarchie, la ruine, la dépopulation. Pour comble de malheur, le gouvernement métropolitain hésite sans cesse, adopte à tour de rôle, pour une même question, des solutions opposées. Cependant le progrès est constant ; les citoyens travaillent avec persévérance, toujours dans la direction d’un seul et même but. Tandis que les autorités prétendent isoler les tribus natives, les cantonner en des régions réservées, les colons acceptent le mélange de races. Lorsqu’on veut leur imposer des lois arbitraires ou leur envoyer des convicts, ils réclament avec instance le droit de s’administrer eux-mêmes. Notons cependant que la constitution qu’ils finissent par obtenir n’est pas la reproduction exacte du statut qui régit les îles britanniques. La différence est insignifiante en apparence ; elle est considérable en réalité. Elle consiste simplement en ceci que les hauts fonctionnaires de la colonie ne peuvent siéger dans les chambres électives. Il en résulte qu’ils ne représentent pas la politique du parlement, mais bien celle du gouverneur. Celui-ci reste maître de diriger la politique de chaque jour suivant les instructions que lui expédie de Londres le ministre dont il dépend. Il conserve, avec le commandement des troupes que la métropole met en garnison dans les villes de l’Afrique australe, le titre de commissaire royal pour le règlement des affaires indigènes. La colonie n’est qu’à moitié émancipée, ce qui est équitable, puisqu’elle n’est en état ni de payer toutes ses dépenses ni de se défendre elle-même contre de turbulens voisins. Cette situation n’était pas pour durer. On verra que les colons, à peine en possession de ces premières libertés, demandent avec instance un complet affranchissement, et qu’ils ne tardent pas à l’obtenir.


H. BLERZY.