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Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 25.djvu/894

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Un de nos physiciens les plus habiles, M. A. Cornu, professeur à l’École polytechnique, est parvenu, en 1873, à une solution beaucoup plus simple, qui a été immédiatement adoptée par la commission du passage de Vénus pour la construction des lunettes photographiques que devaient emporter les expéditions françaises. Ce qui fait l’originalité de sa méthode, c’est qu’elle n’exige aucun instrument spécial. « Toute lunette peut être immédiatement adaptée aux observations photographiques, à l’aide d’une disposition mécanique qui n’altère en rien les qualités optiques de l’instrument : il suffit en effet de séparer les deux lentilles qui composent l’objectif d’une quantité dépendant de la nature des verres, mais dépassant rarement 11/2 pour 100 de la distance focale. Cette opération raccourcit cette distance d’environ 6 ou 8 pour 100. La théorie et l’expérience prouvent que l’achromatisme primitif des rayons visibles est transformé en achromatisme des rayons chimiques. » Cette méthode a été appliquée par M. Cornu avec un plein succès à une lunette que possède l’Observatoire de Paris. C’est le grand équatorial de la tour de l’est, dont l’objectif a 38 centimètres d’ouverture et près de 9 mètres de distance focale. L’instrument, commandé par Arago, n’avait jamais fonctionné, par suite de l’altération superficielle de l’un des verres. L’objectif fut remis en bon état, il y a quelques années, quand M. Cornu en fit usage pour une détermination nouvelle de la vitesse de la lumière, et c’est à la suite de ces expériences qu’il entreprit d’adapter l’instrument aux travaux de photographie astronomique. Un dispositif très simple permet désormais d’écarter les verres et de faire fonctionner l’instrument aussi bien pour les observations directes que pour la photographie ; ajoutons que, pour l’observation directe des astres d’un faible éclat, on peut sans inconvénient conserver l’ajustement photographique. Les images de la lune et du soleil qu’on obtient avec cet appareil mesurent 8 centimètres de diamètre, et M. Cornu s’abstient de les amplifier, afin de leur conserver toute leur précision primitive. Voici comment la difficulté qui naît du mouvement propre très rapide de la lune a été surmontée : on profite de la transparence du collodion pour observer directement un point de la surface, et le maintenir sur un repère en rectifiant sans cesse la marche de l’équatorial. — Il est vrai que ce n’est pas tout de corriger l’achromatisme des objectifs ; il faut aussi remédier à la déformation des images qu’entraîne la courbure donnée aux surfaces des lentilles, et qui se fait sentir surtout vers les bords. Le problème optique que soulève la construction d’une lunette photographique parfaite est donc fort complexe ; mais il n’est point insoluble, et ne tardera pas sans doute à être résolu.


R. RADAU.