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Page:Séché - Les Muses françaises, I, 1908.djvu/25

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Son Seigneur bonnement reçut
Mais bien peu de joie elle en eût.
Jamais bon visage ne fit
Et bonne parole ne dit,
Nul n’osait demander raison,
Deux jours était à la maison.
La messe entendait le matin
Puis se mettait seul en chemin,
Au bois allait, à la chapelle,
Là ou gisait la demoiselle.
En pâmoison il la trouvait,
Ne revenait, ni soupirait.
Cela lui semblait grand merveille
Qu’elle restât blanche et vermeille,
Sans que jamais couleur perdit.
A peine avait-elle pâli.
Fort angoisseusement pleurait
Et pour l’âme d’elle il priait.


Sa femme intriguée, de ses fréquentes sorties et curieuse de savoir où i] va ainsi chaque jour le fait suivre. Elle apprend qu’il se rend à la chapelle et qu’il y pleure.

Désireuse d’éclairer ce mystère, elle profite de ce que Eliduc a été à la cour, pour se faire conduire à la chapelle :


Quand en la chapelle est entrée
Et vit le lit de la Pucelle
Qui ressemblait rose nouvelle,
La couverture elle enleva
Et vit le corps si délicat.
Les bras longs, et les blanches mains
Et les doigts grêles, longs et pleins.
Or elle sait la vérité.
Ce qui a son sire endeuillé.
lors son valet elle appela
Et la merveille lui montra :
« Vois-tu, fait-elle, cette femme
Qui de beauté semble une gemme.
C’est l’amie île mon Seigneur
Pour qui il mène tel douleur.
Par foi. ne m’émerveille mie
Quand si belle femme est périe.
Tant par pitié, tant par amour.
Jamais, n’aurai joie nul jour. »