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Page:Séché - Les Muses françaises, II, 1908.djvu/19

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BARONNE DE BAYE




Mme la baronne de Baye, née Marie Béatrice Oppenheim, naquit à Constantinople, en 1854.

Dans les trois recueils de poésies qu’elle a publiés jusqu’ici et malgré les différentes évolutions de sa pensée, — évolutions peu sensibles, d’ailleurs, — Mme de Baye est demeurée strictement parnassienne. Quand je dis « strictement », j’entends pour la forme, car il y a dans les vers de Mme de Baye — et ceci s’applique particulièrement à certaines pièces de son dernier recueil — il y a un sentiment et une sensibilité très modernes, entendez infiniment nuancés, complexes, subtils, des sensations extrêmement menues, des tendresses alanguies, des parfums rares, des demi-jours troublants — tout cela sans préciosité mais non sans raffinement et, assurément, moins éloigné de l’art « décadent » que de l’art parnassien.

Le premier volume de Mme de Baye était heureusement composé de pièces faciles mais jolies ; — le second était plus grave, on y trouvait déjà un certain nombre de poésies inspirées par l’antiquité : Théodora, Dalila, Vision Grecque, Salammbô, etc. — comme Mme de Baye devait se plaire à en écrire encore beaucoup pour son troisième recueil. Les pièces de ce dernier volume sont d’ailleurs supérieures aux précédentes du même genre. Ce sont le plus souvent des sonnets. L’influence de J.-M. de Heredia est directe. Au reste, tous les sonnets que l’on fait sur la Grèce, sur l’Espagne et sur l’Italie ne sont-ils pas influencés par les Trophées ?! — Aussi, encore que Mme de Baye n’ait pas peu réussi dans ce genre, je préfère la partie sentimentale de son œuvre. Il y a dans l’Âme Brûlante des poésies très tendres, un peu tristes, doucement émues et recueillies tout à fait charmantes. — Avant d’être un poète épique, Mme de Baye est un délicat poète de l’amour.

BIBLIOGRAPHIE. — Grisailles et Pastels, Lemerre, Paris, 1896, petit in-8. — Les Heures aimées, Lemerre, Paris, 1900, in-18. — L’Âme Brûlante (couronné par l’Académie française), Perrin et Cie, Paris, 1905, in-8.

SILENCE



Nous nous taisions : c’était l’heure troublante et chaude
Où le soleil frémit sur les rideaux croisés,
L’heure lourde où l’amour, dans l’air assoupi, rôde…
Une rose effeuillait ses parfums apaisés.

Vous ne me disiez rien de vos tristes pensées,
Je ne vous disais rien de mes amers chagrins,
Mais le temps s’écoulait entre nos mains pressées,
Comme un collier de deuil dont on compte les grains.