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Page:Séché - Les Muses françaises, II, 1908.djvu/20

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LES MUSES FRANÇAISES


Nous nous taisions, penchés sur le silence tendre ;
Une caresse errait en cette obscurité,
Et je sentais mon âme éperdument se tendre
Vers votre âme tremblante, éprise de clarté !

L’arome de la fleur passait, tel un sourire ;
La chambre s’emplissait d’espoir et de regret :
Nous pensions les mots doux que nous n’osions pas dire ;
Nous nous taisions, gardant chacun notre secret…

O silence ! c’était l’heure troublante et chaude
Où le soleil frémit sur les rideaux croisés,
L’heure lourde où l’amour, dans l’air assoupi, rôde…
Une rose effeuillait ses parfums apaisés.


(L’Âme brûlante.)


CONFIANCE


Je ferme les rideaux, le soir est monotone ;
Le vent fait frissonner les feuilles vers le sol ;
Elles vont se poser sur le gazon d’automne
Comme des papillons fatigués de leur vol.

Le feu s’éteint, la chambre est très mélancolique,
En cette ombre indécise où le jour vient mourir,
La fleur semble exhaler un rarfum de relique
S’échappant d’un coffret qu’on n’ose pas ouvrir.

Ma pensée est au loin, je m’isole en mon rêve ;
Tout ce qui n’est pas vous ne compte plus pour moi ;
Les vains bruits du dehors peuvent monter sans trêve :
Rien n’affaiblit mon cœur ni lui cause d’émoi.

Je sais que vous m’aimez, et l’espoir nous rassemble ;
Je sais que vous viendrez et je ne pleure pas…
Et chaque heure tintant à l’horloge qui tremble
Me paraît le mot cher que vous dites là-bas…

Je vous vois : voyageur fatigué de la route,
Vous posez votre front brûlant sur mes genoux ;
Mon âme vous sent là, frissonne et vous écoute…
C’est encore du bonheur que de penser à vous !


(L’Âme brûlante.)