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Page:Sand - Antonia.djvu/208

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— Je vais, dit-il, éveiller et faire lever ma mère, qu’en passant tantôt j’avais avertie de ne pas m’attendre. Elle croit que j’ai été souper chez Marcel.

— Ne l’éveillez pas, je m’y oppose. Lui raconter toutes nos aventures serait trop long à présent. À moitié endormie, elle s’inquiéterait. Demain, vous lui direz tout. Ouvrez-moi la porte du jardin, et je me sauve sans bruit. Merci, et adieu !

Pour traverser l’étroit couloir qui, dans l’intérieur du pavillon, menait de la porte de la rue à celle du jardin, il fallait se trouver quelques instants dans une obscurité complète. Le pauvre ménage n’entretenait pas inutilement une lampe, et Babet, servante à la journée, ne couchait pas dans la maison. Julien passa le premier, ouvrit la porte du jardin, salua profondément madame d’Estrelle, et referma aussitôt cette porte, pour lui bien montrer qu’il ne la franchissait jamais et ne prétendait pas la suivre, même des yeux, dans les allées où elle glissait comme une ombre.

Tant de discrétion, un respect si absolu, un dévouement si délicat, si prévoyant, si actif, si réellement efficace, touchèrent profondément madame d’Estrelle. Il faisait une magnifique nuit de juin. Elle savait qu’en frappant à la vitre de sa chambre à coucher, qui donnait sur le jardin au rez-de-chaussée, elle avertirait Camille, qui veillait pour l’attendre. Elle savait aussi que la veillée de Camille consistait à faire un bon somme sur la meilleure bergère de l’appartement.