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Page:Sand - Antonia.djvu/255

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dessous le sourire de surprise et d’ironie que madame d’Estrelle ne pouvait dissimuler.

— Tant qu’à ne pas être marié avec cette vieille aigrefine, dit-il en se levant, j’en rends grâces au bon Dieu, par exemple ; mais, tant qu’à la vengeance que je veux faire ici, je l’ai, le diable ne me l’ôterait pas.

— Voyons cette vengeance, dit Julie avec le plus grand calme.

— Qui vous dit que ça soit contre vous ? s’écria l’oncle Antoine, dont la langue se déliait toujours à un moment donné. Tenez, vous êtes trois femmes qui m’avez berné comme un petit garçon. Les femmes, ça ne sait pas faire autre chose ! La première, c’était dans le temps madame André, qui m’appelait son frère et son ami, et ça m’avait donné confiance ; la seconde, c’est vous qui m’appeliez votre bon ami et brave voisin, pour m’amener à faire une dot à votre amoureux ; la troisième… oh ! celle-là m’a appelé son cher monsieur et son honnête créancier, mais c’est la pire des trois, parce qu’elle ne voulait que me plumer, comme une avaricieuse qu’elle est : c’est donc celle-là qui payera pour les deux autres. Et vous, madame d’Estrelle, je vous pardonne et je vous excuse. L’amour fait faire de grandes bêtises, mais au moins c’est l’amour, une chose qui, à ce qu’il paraît, embrouille la cervelle et fait clocher la raison. Eh bien, soit, rendez-moi votre amitié et ne parlons plus de mariage, ni avec moi, ni avec l’autre. Je vous veux toujours du bien, et je vous empêcherai de prendre