Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/112

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pleurs toujours prêts à couler ; mais un mot d’elle avait plus de prix pour moi que les adorations puériles de ma nourrice. Quelle différence entre elles, et que Jennie était supérieure en tout à ma pauvre folle ! Elle possédait une intelligence que la mienne n’était pas encore en état d’apprécier, mais qui s’imposait à moi comme la vérité même. Comme elle ne parlait jamais de son passé et ne se laissait guère questionner, on ne pouvait deviner où elle avait appris tout ce qu’elle savait. Elle lisait et écrivait mieux que moi, mieux que Marius à coup sûr, et mieux aussi que ma grand’mère. Elle disait avoir travaillé toute sa vie sans s’arrêter, et elle avait lu énormément de livres, bons ou médiocres, dont elle avait apprécié la valeur ou fait la critique avec une merveilleuse sagacité. Est-ce par la lecture ou par une haute intuition personnelle qu’elle avait pu ainsi éclairer son jugement, connaître le cœur humain, et comprendre avec une pénétrante droiture toutes les choses de sentiment ? Elle avait aussi un esprit d’observation remarquable et une mémoire étonnante. Quand elle remplaçait ma grand’mère durant nos leçons, elle cousait près de la fenêtre ou raccommodait le linge de la maison avec rapidité, sans lever les yeux de son ouvrage, et elle ne perdait pas un mot de ce que l’on nous enseignait. Si j’étais embarrassée pour