Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/113

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en rendre compte le lendemain, je l’interrogeais le soir dans ma chambre, et elle redressait mes erreurs ou développait ma compréhension sans jamais sortir de son langage simple et net, qui était comme la moelle rustique et substantielle de toutes les démonstrations nécessairement un peu longues et détaillées de Frumence à Marius.

Où trouvait-elle une capacité assez vaste et assez souple pour passer, des détails de la cuisine et de la basse-cour, — car elle surveillait tout, — à ces exercices de l’intelligence et du raisonnement ? Pour un peu, elle eût appris les mathématiques et le latin. Rien n’était mystérieux pour cette tête active et saine. Bien mieux douée que moi, elle me forçait, en causant, à retenir les dates historiques et les mots techniques qui m’échappaient sans cesse. Et, comme si ce travail d’assimilation ne lui suffisait pas, elle passait une partie des nuits à lire dans son lit. Elle n’avait jamais besoin de plus de quatre à cinq heures de sommeil. Toujours couchée la dernière et levée la première, mangeant à peine, ne se reposant jamais dans la journée, elle n’était jamais malade, ou, si elle l’était quelquefois, on ne le savait pas, elle ne le savait peut-être pas elle-même. Sa figure fraîche, un peu immobile dans sa régularité de camée, ne trahissait jamais ni fatigue ni souffrance.