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Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/199

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que-là, c’est l’attente, c’est l’aspiration, c’est l’instinct, rien de plus.

« Elle serait profanée, ce me semble, par une sollicitation égoïste. Je ne dois donc pas dire, je ne dois pas penser, je ne dois pas croire que je l’aime.

« Mais je peux penser à elle comme je pense à la nature, à ce qu’il y a de beau, de simple et de grand sous le ciel. Elle existe, elle est ce qu’elle est, et je la vois des yeux de mon âme comme un bien suprême qui m’apparaît dans tout et qui n’appartient à personne. Je… »

Ici finissait la page, et le reste manquait. Je relus bien des fois cette mystérieuse divagation ; je ne comprenais pas. Tantôt je croyais pouvoir tout expliquer, tantôt je n’expliquais plus rien. Comment pénétrer cette distinction subtile entre l’instinct qui profane et la réciprocité qui sanctifie ? C’était un grimoire, et Frumence était fou ; ou bien c’était une haute définition de la métaphysique de l’amour, et cela dépassait mes notions. Je voyais bien que ce n’était pas écrit pour moi, que ce n’était écrit pour personne, et qu’il y avait là le secret d’une âme troublée par un sentiment combattu ou par un problème quelconque. Frumence était-il amoureux ou poëte ? Il prétendait n’être ni l’un ni l’autre. Il y avait pourtant un éclair de