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Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/255

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timait si haut, et je trouvai qu’avec ses manières simples et son langage aisé Frumence avait l’aspect le plus distingué et les expressions les plus pures. J’en fis part innocemment à Marius, qui me répondit :

— Certes, Frumence est un garçon convenable et rempli de tact ; c’est la science et la vertu des subalternes.

Je fus choquée du mot et je le fis voir. Marius se prit à rire et me demanda si je marchais sur les traces de Galathée. Je fus si offensée de la comparaison, qu’il dut m’en demander pardon.

Cette petite querelle se renouvela pourtant, et j’en fus plus troublée qu’il ne fallait. Je pensai à Frumence malgré moi aussi souvent qu’à l’époque où j’y pensais volontairement pour le plaindre. Je ne planais plus sur lui, je n’étais plus l’ange de sa rêverie. Il devenait l’hôte importun, inexplicable, menaçant peut-être de la mienne. Je ne l’aimais pas, non certes, je ne pouvais pas l’aimer ; mais il était le représentant de l’amour fort et vrai, fidèle et soumis, tel que je l’avais conçu dans ma phase romanesque, et, quand je me reportais à cette heureuse époque où j’étais tout près de croire à des destins sublimes, je la regrettais et trouvais la réalité triste et plate. Bien souvent je m’écriai dans la solitude :