Aller au contenu

Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/283

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

grand’mère en s’éveillant sur un mot que Marius avait trop articulé.

— Personne, dit Jennie, qui avait de la présence d’esprit pour tout le monde : je disais à Marius de ne pas parler si fort, parce que vous reposiez.

— Je ne crois pas avoir dormi, reprit ma grand’mère. J’ai la tête lourde. Mes enfants, votre vieux vin et vos jeunes amours m’ont grisée. À demain la lettre. Il faut que je dorme tout de bon.

Jennie l’emmena, et, après quelques paroles d’affectueuse condoléance qu’il m’adressa, l’abbé se retira aussi. Frumence crut devoir me laisser seule avec mon fiancé.

— Eh bien, me dit celui-ci, pourquoi donc cette grande douleur, ma chère enfant ? Il ne s’est jamais conduit envers toi comme un père, et, s’il eût vécu, peut-être eût-il suscité des inquiétudes et des contrariétés à ta bonne maman à l’occasion de notre mariage. C’est triste à dire, mais cette mort subite est presque un événement providentiel pour nous aujourd’hui.

— Je ne sais pas, répondis-je, un peu blessée de ce langage, si la mort d’un père, quel qu’il soit, peut être regardée comme un bienfait de la Providence ; mais je sais bien que des fiançailles, si heureuses qu’elles paraissent, sont attristées et comme menacées par une nouvelle si grave.