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Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/284

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— Écoute, Lucienne, reprit Marius, un peu blessé à son tour. Tu as l’air de me croire préoccupé d’intérêts positifs. Je te déclare que je n’ai jamais su que par ouï-dire la fortune attribuée à ton père ; mais je me suis toujours dit que tu aurais certainement une part très-mince, peut-être nulle, à son héritage. Enrichi par le fait de sa seconde femme, il doit avoir pris des précautions pour assurer aux enfants qu’elle lui a donnés les biens qui leur viennent, soit d’elle, soit de lui. Je trouve cela très-naturel, et je n’ai aucun regret que les choses soient ainsi ; mais, si je m’applaudis de voir qu’il n’y a pas d’obstacle entre nous, n’en conclus pas, je te prie, que je prends au sérieux les gasconnades de Malaval, et que je me réjouis des millions sterling qu’il annonce.

— Vraiment, Marius, je ne sais de quoi tu me parles ; il s’agit bien de millions et d’héritages ! Tu ne songes pas à la tâche qui nous est imposée à tous les deux, d’annoncer à ma pauvre grand’mère que son fils unique est mort sans lui dire adieu et sans recevoir sa bénédiction ! Et si elle en mourait elle-même ?

— Ce serait là un vrai malheur ! reprit Marius en m’essuyant les yeux avec mon mouchoir ; mais les larmes ne remédient à rien, et je l’aurais cru plus de courage dans les grandes épreuves…