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Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/49

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Je franchis ici un certain espace de temps que ne marque aucun événement particulier avant le commencement de mon éducation. On me laissait un peu vivre et courir à ma guise, le médecin l’avait ordonné. Lorsqu’on m’avait ramenée à ma grand’mère, j’étais, dit-on, forte dans ma petite taille et bien constituée ; mais le changement de régime ou de climat m’avait rendue languissante. On ne songea donc point à m’apprendre à lire la première année. Quand on essaya ensuite de m’enseigner mes lettres, on découvrit que je lisais couramment, et que, soit paresse, soit malice, je ne m’en étais point vantée.

Le pays que nous habitions influa beaucoup sur la lenteur de mon développement, car ce pays était un désert. Nous n’y avions pas de proches voisins ; les nouvelles nous arrivaient de Toulon déjà vieilles, et ma grand’mère s’était si bien habituée à vivre en retard du mouvement général, qu’on l’eût effrayée en la pressant de s’intéresser à une actualité qui était toujours le passé pour elle. Quand on s’accoutume ainsi à l’acceptation passive des faits accomplis, il devient fort inutile de les commenter et on ne prend plus la peine de les bien comprendre, on les subit avec une indifférence un peu fataliste. Sous ce rapport, il y avait à cette époque, dans certains cantons