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Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/50

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du Midi, quoique ressemblance avec l’Orient.

Par son aspect aussi, notre pays exerce une influence stupéfiante sur l’esprit. La vallée de Dardenne est une des rares oasis du département du Var ; mais, pour ceux qui ont parcouru les provinces du centre et du nord de la France, cette oasis est encore très-aride. Bien que notre manoir fût planté dans la partie la plus fraîche et la mieux arrosée de la gorge, autour de nous, les montagnes nues avec leurs croupes cendrées et leurs cimes de calcaire blanc brûlent les yeux et pétrifient la pensée. C’est un beau pays quand même, dur de formes, largement ouvert au soleil, âpre, sans grâce et sans charme, jamais coquet, mais jamais mesquin, jamais maniéré. On comprend que les Mores l’aient aimé ; il semble fait pour ces races austères qui n’ont pas l’instinct du mieux et qui vivent dans la notion de l’immuable destinée. On le compare aussi à la Judée, berceau d’un idéal qui se détourne des jouissances terrestres et ne cherche sur les hauteurs que le rêve de l’infini.

Je ne saurais dire quelles furent mes premières impressions. Je ne pouvais m’en rendre compte ; mais je sais bien que, d’année en année, cette Provence exerça sur moi un prestige d’écrasement intellectuel, si je puis ainsi parler, en même temps que ma personnalité, cherchant à réagir,