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Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/96

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cacha aussi son chagrin, car elle en eut beaucoup, je le vis malgré elle tout en lui cachant le mien, qui fut plus profond que je n’osai l’avouer à Marius. Marius riait de tout, et passait sa vie à railler et à glacer ce qu’il appelait mes élans de sensiblerie.

Comme toute chose a son revers, ou son contrepoids, le départ de Denise nous soulagea tous de beaucoup d’inquiétudes et de contrariétés. Il y avait longtemps que sa manière d’être, ses propos inconsidérés et ses allures fantasques fatiguaient ma grand’mère et troublaient mon esprit. Je crois que Frumence, qui, après avoir été l’objet de sa haine, lui avait inspiré, bien malgré lui, une passion nullement payée de retour, respira aussi quand il n’eut plus à se préserver de ses rêveries et de ses reproches. Marius, dont elle avait imprudemment exalté la vanité par des éloges et des admirations sans mesure, devint plus raisonnable et un peu plus attentif aux leçons. Nos promenades avec Frumence ne furent plus gâtées par des appréhensions perpétuelles. J’eus la bonne inspiration de ne parler à qui que ce soit, même à Marius, du danger où deux fois Denise avait mis ma vie, et de l’espèce de haine qui couvait dans son âme malade sous sa tendresse exaltée pour moi. Ma grand’mère, qui savait tout, ne m’en parla