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Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/76

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nant, tantôt pâle et comme découragée, avec les yeux pleins de larmes.

Le docteur résolut de confesser sa chère fille adoptive et, bien quelle eût voulu se taire, elle ne put résister à ses tendres questions. — Eh bien, lui dit-elle, je l’avoue, j’ai une idée fixe. Il faut que je trouve un visage et je ne le trouve pas !

— Quel visage ? Toujours la Dame au voile ? Est-ce que cette fantaisie d’enfant est revenue à la grande fille raisonnable que voici ?

— Hélas, mon ami, cette fantaisie ne m’a jamais quittée depuis que la femme voilée m’a dit : « Je suis ta mère et tu verras ma figure quand tu me l’auras rendue. » Je n’ai pas compris tout de suite ; mais peu à peu j’ai découvert qu’il me fallait retrouver et dessiner une figure que je n’ai jamais vue, celle de ma mère et c’est cela que je cherche. On m’a dit qu’elle était si belle ! Il me sera peut-être impossible de faire quelque chose qui en approche, à moins que je n’aie beaucoup de talent, et j’en voudrais avoir, mais cela ne vient pas. Je suis mécontente de moi, je déchire ou je barbouille tout ce que je fais. Toutes mes figures sont laides ou insignifiantes. Je regarde comment mon père s’y prend pour embellir ses modèles, car il est certain qu’il les embellit, je m’en aperçois très-bien à présent et je sais que son succès vient de là. Eh bien, voyez ce qui m’arrive ! Quand je les regarde, ces modèles qui ne sont certainement pas tous beaux, — il y a même des dames bien fanées et des messieurs bien laids qui viennent chez lui se faire peindre, — je trouve les plus laids