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Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/77

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moins… comment dirai-je ? plus acceptables que la figure de convention que leur donne mon père. Ils sont eux-mêmes, ces visages qui posent ; ils ont ceci ou cela d’original, et c’est justement ce que mon papa croit devoir leur ôter, — et ils sont contents qu’on le leur ôte. Dans ma tête, moi, je les peins tels qu’ils sont, et je vois bien que si je savais peindre, je ferais tout le contraire de ce que fait papa. C’est là ce qui me tourmente et me chagrine, car il a certainement du talent et je n’en ai pas.

— Il a du talent et tu n’en as pas, cela est certain, répondit le docteur, mais tu en auras, tu es trop tourmentée pour qu’il ne t’en vienne pas, et quand tu en auras, — je ne veux pas te dire que tu en auras plus que lui, je n’en sais rien ; — mais ce sera une autre nature de talent, parce que tu vois avec d’autres yeux. Il ne peut donc rien t’apprendre ; c’est à toi de trouver seule, et il te faut du temps. Tu veux aller trop vite, voilà en quoi tu risques de ne pas avoir de talent du tout ; tu prends la fièvre et on ne fait rien qui vaille quand on ne se porte pas bien. Quant à la figure que tu cherches, il est facile de te la faire connaître si cela doit chasser la dame au voile qui t’obsède. Ton père possède une très-bonne demi-miniature de ta mère, et très-ressemblante. Il ne l’a pas faite et il ne l’aime pas, parce que c’est le contraire de sa manière. Il ne la montre à personne et prétend que ce n’est pas elle du tout. Moi je dis que c’est elle tout à fait et je puis la lui demander pour te la montrer.

— En ce moment Diane ne sentit que le désir de