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Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 2.djvu/168

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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

anciens maîtres, soit à composer des sujets qui sont pleins d’imagination et de mouvement. Tout ce travail lui fait grand bien et rabote son caractère sans qu’il s’en aperçoive. Il oublie un peu la toilette et met tout son argent en gravures et en plâtres. Son père aurait grand tort de lui retenir ses quatre cents francs. Mais il les retiendra, tout en lui faisant les phrases les plus banales du monde pour l’engager à devenir un Raphaël ou un Michel-Ange.

La grosse est fort sage à la pension, à ce qu’on dit. Je ne m’en aperçois guère à la maison. Elle se porte bien toujours. Dieu veuille qu’elle devienne un peu moins hérisson en grandissant ! Quand je vois Léontine, qui n’était pas commode, douce et bonne comme elle l’est à présent, j’espère que Solange tournera de même quelque jour.

Si je ne vais pas à Nohant cette année, il faudra que tu boives le bourgogne de ma cave, voilà tout le remède que j’y vois. Je voudrais pourtant y aller ; car j’ai de Paris plein le dos. Si on nous fortifie surtout, nous allons tourner à l’imbécillité et à l’abrutissement le plus odieux. Apprêtons-nous à payer de jolis impôts, à perdre le bois de Boulogne, à voir les républicains du National donner la main aux culottes de peau de l’Empire. Tout cela est ignoble et révoltant. Cela s’est fait au milieu de telles intrigues, qu’on ne comprend plus rien à ce malheureux pays. Le peuple souffre de plus en plus, et la débauche des riches va son train.