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Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 2.djvu/170

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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

Le bon ami Gaubert[1] a dû vous le dire, et je suis sûre qu’au fond de votre cœur vous n’en avez jamais douté. Je crois, je persiste à croire que je suis fort desservie auprès de vous, et on aurait pu m’attribuer de telles paroles ou de telles pensées, qu’elles eussent fermé votre âme à toute estime et à toute confiance envers tout ce qui ne porte pas de barbe au menton.

Je sais autour de vous des gens qui ne se font pas faute de me calomnier avec un acharnement qui m’afflige sans m’irriter, parce que cette haine gratuite me paraît tenir de l’hypocondrie et presque de la démence. Quelquefois, dans les plus folles déclamations, il y a une sorte d’habileté (c’est un caractère de la maladie appelée haine) qui impose aux âmes les plus nobles et aux esprits les plus fermes. Je n’ai jamais pu penser que cette sorte d’anathème, lancé par vous sans exception sur notre sexe, fût une action lâche et méchante.

J’ose à peine répéter les mots dont vous vous servez dans votre indignation généreuse, quand je songe que c’est vous qui êtes en cause, vous, monsieur, qui êtes l’objet d’une vénération religieuse de ma part, et de celle de tout ce qui m’entoure. Si j’avais jugé ainsi votre sévérité, je n’aurais jamais eu besoin de l’explication que vous voulez bien me donner ; car je n’aurais jamais eu le moindre doute sur vos intentions.

J’ai craint seulement, je le répète, un de ces mou-

  1. Le docteur Gaubert jeune.