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Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 4.djvu/326

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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

double gloire, la vôtre et la sienne. La vôtre avec tous ses fruits, la sienne avec toutes ses épines. Que voulez-vous ! il a engendré vos grandes facultés, et il se croit quitte envers vous. Vous avez voulu en faire un emploi plus logique : votre moi s’est prononcé là, et vous a emmené sur une autre voie où il ne peut pas vous suivre.

C’est un peu dur et difficile d’être forcé parfois de devenir le père de son père. Il y faut le courage, la raison et le grand cœur que vous avez. Ne le niez pas, ce grand cœur ; il perce dans tout ce que vous dites et dans tout ce que vous faites. Il vous gouverne à votre insu peut-être, mais il vous gouverne, et, s’il vous crée des devoirs dont beaucoup de gens ne s’embarrassent guère, il vous payera bien en puissance vraie et en repos intérieur.

Allez-y gaiement, allez-y toujours, et vous verrez plus tard ! Tout passe, jeunesse, passions, illusions et besoin de vivre ; une seule chose reste, la droiture du cœur. Cela ne vieillit pas et, tout au contraire, le cœur est plus frais et plus fort à soixante ans qu’à trente, quand on le laisse faire.

Je ne vous ai pas remercié, c’est vrai, pour l’offre de votre bijou d’appartement ; je ne vous remercie pas, j’accepte pour le cas où je n’aurais plus de gîte à Paris. Où serais-je mieux que chez mon enfant ? — Mais, pour un bon bout de temps encore, j’ai mon petit grenier rue Racine et mes habitudes de quartier Latin.