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Page:Sand - Histoire du veritable Gribouille.djvu/101

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DE GRIBOUILLE

Tu seras immortel tant que tu habiteras mon île, aucun chagrin ne viendra te visiter, tes jours se passeront en siècles de fêtes. Oublie la malice des hommes, abandonne-les à leurs souffrances. Viens, retournons au concert et au bal. Je veux bien les prolonger encore pour toi d’une journée de cent ans. »

Gribouille interrogea son cœur avant de répondre, et, tout d’un coup, il y trouva ce raisonnement-ci : — Ma marraine ne me dit cela que pour m’éprouver ; si j’acceptais, elle ne m’estimerait plus et je ne m’estimerais plus moi-même. » Alors il se jeta au cou de sa marraine et lui dit : « Faites-moi un beau sourire, ma marraine, afin que je ne meure pas de chagrin en vous quittant, car il faut que je vous quitte. J’ai beau n’avoir ni parents ni amis dans mon pays à l’heure qu’il est, je sens que je suis l’enfant de ce pays et que je lui dois mes services. Puisque me voilà riche du plus beau secret du monde, il faut que j’en fasse profiter ces pauvres gens qui se détestent et qui sont pour cela si à plaindre. J’ai beau être heureux comme un génie,