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Page:Sand - La Filleule.djvu/125

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pas ; ne dépréciez pas celui dont il parle. C’est une chose que je ne souffrirai de personne, pas même de la vôtre.

Quand Roque eut tout dit, madame Marange conclut avec une grande sagesse d’application.

— Stéphen avait raison, dit-elle. Qui ne sait pas la géologie ne saura jamais la botanique, et réciproquement ; qui n’entend rien à la musique manquera d’un sens dans la poésie ; qui ne se doute pas de l’anatomie ne saura jamais dessiner. Il est vrai que de grands génies ont tout deviné ; mais deviner équivaut à savoir. Donc l’exception confirme la règle. Maintenant, continua-t-elle, peut-on vous demander, sans indiscrétion, mon cher Stéphen, quelle spécialité vous comptez embrasser ?

— J’attends qu’on me le dise, répondis-je en pressant contre mon cœur le bras qu’Anicée avait passé sous le mien en me grondant.

— Qui donc vous le dira mieux que vous-même ? demanda madame Marange.

— Vous, madame, répondis-je encore en m’adressant à elle et en regardant sa fille. Je vous ai entendu dire autrefois qu’un homme ne pouvait se passer d’un état. Moi, j’aime tant toutes les choses que j’étudie, que je n’ai pas de préférence marquée. Jadis, je comptais sur ma mère pour me désigner mon but. À quelle autre puis-je demander maintenant de me rendre ce service ? N’est-ce point à vous qui m’avez témoigné tant d’intérêt et qui êtes un si bon juge ?

Madame Marange semblait attendre que sa fille parlât la première ; Anicée, ainsi encouragée, répondit :

— Moi, je ne suis pas un grand esprit comme vous autres. Je comprends le bonheur de l’étude ; mais la nécessité de s’illustrer, je n’y ai jamais rien compris.

— S’illustrer, non ! observa sa mère ; mais se rendre utile.

— Ah ! c’est la prétention de tout le monde, reprit Anicée