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Page:Sand - La Filleule.djvu/138

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ils étonnent parfois par leur bon sens et leur équité dans les choses qui sont du véritable ressort de leur institution civile. Le jour où les discordes humaines ne confondront plus forcément ces deux attributions si diverses, la police devra être et sera une mission toute paternelle dans ses plus justes sévérités, et on se fera un honneur de lui appartenir.

L’homme qui m’aida à essayer la conversion du frère de Morena s’y prit avec autant d’habileté que de charité ; et bientôt, débarrassé, grâce à lui, d’Antonio, qui fut mis jusqu’à nouvel ordre hors d’état de nuire, je pus confier l’éducation physique et morale de Rosario, dit Dariole, à de braves gens que je connaissais et que j’aidai de mon mieux à le corriger. Ce n’est pas le moment de dire si nous y parvînmes aisément ; comme je n’ai jamais perdu de vue ce garçon, j’aurai beaucoup à parler de lui dans la suite de ces mémoires.

Avant de faire part à mes amies de la rue de Courcelles des faits que je viens de rapporter, je voulus continuer mes recherches sur la naissance de Morena, et faire tout ce qui était en moi pour assurer la possession aussi légitime que possible de cette enfant tant aimée, à ma chère Anicée.

Je pris des informations, grâces auxquelles je sus bientôt qu’il existait, en effet, un duc de Florès, jeune, beau, riche et libéral, habitant Paris depuis peu avec sa jeune femme, qui était même fort à la mode, et qu’on disait être en même temps fort coquette dans le monde et fort jalouse de son mari. Je trouvai son domicile, je vis une belle voiture à ses armes dans la cour ; je tirai de ma poche le bracelet de la bohémienne, je m’assurai bien que c’était le même écusson, les mêmes emblèmes, la même couronne.

Je me demandai alors comment je procéderais. Je pensai que je devais chercher à connaître assez cet homme pour lui inspirer de la confiance, et j’allais me retirer avec cette résolution, lorsqu’en relevant la tête, je vis devant moi le duc en