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Page:Sand - La Filleule.djvu/179

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26 septembre

Puisqu’il le veut, je monterai à cheval moins souvent et prendrai mon plaisir avec plus de tranquillité. C’est vrai que je suis une nature immodérée ! Comme il a deviné cela tout de suite ! et mamita qui ne s’en doutait pas ! Vraiment, je crois que, s’il ne me chérit pas comme elle, du moins il fait plus d’attention à moi. Il faut donc que je sois calme et patiente. Allons, j’en aurai l’air, dussé-je en mourir !


27 septembre

Il a enfin joué et improvisé ce soir. Oh ! quel talent, quelle âme, quel charme ! Voilà la seule de ses grandes facultés que je sois un peu capable de comprendre, moi ! Pour le reste j’admire sur parole. Mais la musique, c’est une chose que je sens, que je possède dans mon cœur, comme lui, quoi qu’il en dise, et quoique je ne la possède pas encore dans ma tête, comme Schwartz. Non, non, je ne l’ai pas seulement au bout des doigts, comme ils le prétendent, cet art divin ! Mon cher Stéphen l’a fait passer aujourd’hui dans tout mon être. J’étais émue, brisée, j’avais envie de pleurer, je tremblais. Il n’a pas daigné voir cela, lui, mais mamita s’en est bien aperçue. Elle m’a embrassée en disant :

— Eh bien, tu vois qu’il vaut mieux posséder un don comme celui-là, qui fait tant de bien aux autres, que d’être habile à sauter les fossés pour leur faire peur ?

Elle a bien raison, mamita ! Et puis elle sait que tout me sera possible si mon parrain s’en mêle un peu, et elle attire toujours son attention sur moi ; mais ce n’est pas facile : on dirait qu’il ne veut m’en accorder qu’à ses moments perdus.