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Page:Sand - La Filleule.djvu/214

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absolument les commentaires grossiers par lesquels beaucoup de gens se plaisent à en avilir la sainteté, que les heureux époux ne se sentaient nullement pressés de modifier le tranquille et solide arrangement de leur vie.



VII


De tout ce que nous venons de dire au lecteur, Stéphen ne dit à Morenita que ce qu’elle devait savoir et pouvait comprendre : la différence des fortunes entre Anicée et lui, les préventions impitoyables du monde, la résistance déjà presque vaincue de Julien, les efforts que Stéphen avait dû faire pour mériter, par le talent, la science et la conduite, l’honneur d’appartenir à une femme comme Anicée, le désir qu’il avait de prolonger encore le temps de son épreuve, afin d’être complétement digne de se déclarer son protecteur et son protégé.

Morenita écouta cette explication d’un air calme.

— C’est bien, dit-elle quand Stéphen eut tout dit. Vous ne me méprisez pas assez, j’espère, pour craindre que je trahisse jamais le secret de ma mère. Veuillez oublier ma folie ; moi, je jure qu’elle est passée. J’ai fait un rêve, j’ai été malade, voilà tout ; je sens que je mourrais si quelqu’un me le rappelait. J’ose croire que personne au monde ne me causera cette humiliation.

Morenita parut très-satisfaite et presque consolée d’apprendre que mamita n’avait pas eu le moindre soupçon de son égarement, et que madame Marange n’avait jamais semblé s’en apercevoir. Elle s’en était aperçue cependant, cette femme pé-