Aller au contenu

Page:Sand - La Filleule.djvu/215

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nétrante et sage ; mais, n’ayant pas le moindre doute sur la prudence de son gendre, elle s’était tue, comptant bien qu’il trouverait le remède.

Stéphen, voyant sa filleule calmée et en apparence très-raisonnable, lui témoigna de l’amitié et s’efforça, avec un enjouement tout paternel, de lui persuader qu’elle s’était absolument trompée sur le sentiment qu’elle éprouvait pour lui. Il feignait de n’avoir jamais cru qu’à un mouvement filial exprimé avec l’exaltation d’une tête vive. Mais Morenita l’interrompit, et, prenant tout à coup l’attitude d’une femme fière et forte :

— Taisez-vous, lui dit-elle ; vous ne me connaissez pas, vous ne me comprendrez jamais, ni les uns ni les autres. Ce que je suis, Dieu seul le sait, et l’avenir me le révélera à moi-même !

Elle se leva et sortit. Stéphen fut un peu inquiet de son air froid et sombre ; il alla dire à la vieille bonne qui l’avait élevée qu’elle paraissait souffrante, et l’engagea à la surveiller.

Morenita se voyant observée, fit un effort héroïque pour cacher sa souffrance et feignit de s’endormir avec calme. Mais, au milieu de la nuit, elle eut un violent accès de fièvre, et Anicée fut éveillée en sursaut par ses cris.

Morenita fut malade pendant quelques jours. Roque, qui voyait partout des cas de la maladie qu’il était en train d’étudier particulièrement, prononça le mot de méningite et voulut traiter la petite fille comme pour une fièvre cérébrale. Heureusement Stéphen, qui ne vit là qu’une irritation nerveuse, s’opposa aux saignées et conseilla des calmants. Au bout de la semaine, la malade était guérie.

Le duc et la duchesse vinrent la voir pendant et après sa courte maladie. La sollicitude qu’ils lui témoignèrent parut soulager et consoler beaucoup Morenita, dont l’accablement moral était extrême, et qui parut enfin reprendre la volonté de vivre. Cette enfant, au milieu de ses souffrances, avait montré