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Page:Sand - La Filleule.djvu/220

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avait avec elle des similitudes de race qui devaient la frapper. Comme elle, il était frêle et d’une petite stature qui, par l’élégance rare de ses proportions, ôtait l’idée d’une organisation chétive et faisait un charme de ce qui eût semblé pauvre dans celle d’un Européen. Il était franchement bronzé, mais d’un ton si fin, si ambré, si uni, que sa peau semblait transparente. Tous ses traits étaient d’une perfection délicate. Une barbe fort mince qui ne devait jamais épaissir, mais dont la finesse et le noir d’ébène encadraient avec bonheur sa bouche mobile et ses dents éblouissantes ; une chevelure crépue qui semblait abondante par le mouvement naturel de sa masse légère, un regard dont la hardiesse paraissait brûlante, des pieds et des mains d’une petitesse et d’une beauté de forme incomparables, une voix suave comme la plus douce brise, une prononciation mélodieuse dans toutes les langues ; tel était succinctement le gitanillo.

Morenita fut éblouie de cette beauté de type qui répondait si complétement à l’idéal dont le moule, si l’on peut dire ainsi, était dans son imagination. Elle crut se voir elle-même sous une forme nouvelle, et, jetant un cri de surprise :

— Oh ! oui, dit-elle, tu es mon frère, je le vois bien, et il y a en moi quelque chose qui me le dit.

— Eh bien, laisse-moi donc embrasser ma sœur ! s’écria le jeune homme en la pressant sur son cœur avec une effusion que Morenita crut chaste, et qui cependant l’effraya.

Elle rougit et détourna la tête ; le gitano ne put qu’effleurer les tresses noires de sa chevelure.

Se ravisant aussitôt, et craignant de se trahir, il reprit le calme attendri qui convenait à son rôle et raconta à Morenita tout ce qu’elle ignorait de sa propre histoire. Il ne lui cacha qu’une chose : c’est qu’il n’était pas son frère.

Ce récit bouleversa Morenita ; elle ne le comprit qu’à moitié. Elle était si simple, au milieu de la témérité de sa conduite,