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Page:Sand - La Filleule.djvu/305

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pudeur auxquels il ne s’attendait pas, c’était de l’amour, c’était l’aveu d’une faiblesse sur laquelle il n’avait pas compté.

— Chère Morenita, dit-il en tâchant de porter à ses lèvres une main qu’elle lui retira obstinément, que pouvez-vous donc craindre de votre meilleur ami, de votre serviteur dévoué ? À présent, disposez de moi comme d’un esclave. Je ne peux plus douter de votre amour, ne doutez pas de mon respect. Vous feriez injure à celui qui se regarde comme votre époux, et qui ne veut vous devoir qu’à vous-même.

La tremblante fugitive ne répondit pas un mot, et Clet épuisa vainement son éloquence à vouloir la rassurer.

Ils arrivèrent à un endroit fort sombre, où la chaise tout attelée attendait. Morenita y monta avec empressement. Clet paya son fiacre, donna ses ordres à la hâte, et reprit sa course avec sa fiancée.

Elle s’entêta dans son silence, et Clet l’eût crue évanouie, sans le soin qu’elle prenait de s’éloigner de lui aussitôt qu’il essayait de se rapprocher d’elle. Pour lui marquer son respect, il s’installa sur la banquette de devant et ne lui adressa plus la parole. Elle, cachée toujours dans sa mantille et immobile dans son coin, ne bougea de toute la nuit et feignit de dormir. Clet trouva peu à peu cette façon d’agir très-bizarre, très-prude et trop anglaise pour une Espagnole.

Il essaya de dormir aussi ; mais un dépit croissant l’en empêcha. Évidemment, Morenita l’avait joué, elle n’avait pour lui que du dédain, de la haine peut-être. Aussitôt que le jour paraîtrait et qu’elle se verrait hors d’atteinte dans sa fuite, elle allait le réveiller de ses illusions par le plus diabolique éclat de rire.

Le jour vint, en effet, et la voyageuse s’était endormie pour tout de bon. Alors Clet, sortant comme d’un rêve, examina peu à peu sa compagne à la clarté douteuse de l’aube. Il fut surpris de la malpropreté de sa robe brune et de la grossièreté