Aller au contenu

Page:Sand - La Filleule.djvu/309

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vérité ; mais ce qu’on ne sait pas, c’est que l’assassin, c’est M. le duc de Florès.

— Vous mentez ! s’écria le duc ; je l’ai provoqué en duel : nous nous sommes battus loyalement.

— Sans témoins ; c’est un assassinat, monsieur, dans tous les pays du monde et selon toutes les lois humaines. Vous l’avez tué par jalousie, parce que je l’aimais, vous qui ne m’aimiez pas, lorsque j’avais respecté votre honneur tandis que vous m’étiez cent fois infidèle. C’est la loi du monde. Vous pensiez que c’était votre droit ; je ne me suis pas révoltée, je ne me suis pas séparée de vous, je n’ai fait entendre aucune plainte ; vous ne m’avez vue ni pâlir, ni défaillir, ni pleurer. Frappé de mon courage et touché de ma soumission, vous avez daigné me pardonner mes soupçons, et cacher au monde la cause de mon secret désespoir.

— Eh bien, dit le duc, cachons-la toujours et taisez-vous, madame. Vous voilà assez confessée, et moi aussi !

Le duc, oppressé par de cruels souvenirs, voulut se retirer. La duchesse le retint.

— Mais, moi, je ne vous ai pas pardonné ! s’écria-t-elle l’œil en feu et la bouche frémissante. J’ai juré de me venger et j’ai tenu parole. L’occasion m’a servie, je ne l’ai pas laissée échapper. Le gitano Algénib est venu, un jour, me révéler secrètement l’histoire de la belle Pilar et l’existence de l’intéressante Morenita. J’ai payé la confiance et le dévouement de cet aventurier : je lui ai confié le soin de ma vengeance !

« C’est par lui, par moi par conséquent, que Morenita a su de qui elle était la fille, par moi qu’elle s’est laissé persuader de quitter madame de Saule, et M. Stéphen, dont elle était follement amoureuse, pour venir imposer à M. le duc l’humiliation et le ridicule de cette indigne paternité. C’est par moi que le gitano, épris d’elle, malgré la haine et la jalousie qu’il avait éprouvées pour elle avant de la voir, a pu entretenir avec