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Page:Sand - La Filleule.djvu/31

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parler. Nous n’entendîmes pas un mot sortir de sa bouche, scellée par la souffrance ou la fierté.

Un quart d’heure après, nous étions à la maison Floche.

Craignant de rencontrer là une répugnance semblable à celle qui avait fait repousser ailleurs la pauvre vagabonde, nous cachâmes sa situation à l’œil peu clairvoyant du vieux Floche, jusqu’à ce que notre protégée eût franchi le seuil de la porte. Alors il nous sembla qu’elle avait des droits sacrés à l’assistance de ses hôtes, et pendant que je haranguais les vieux époux, Roque partit pour aller en toute hâte chercher une sage-femme au village.

Le père Floche ne parut pas très-satisfait d’abord de l’aventure ; mais sa femme, qui avait l’autorité dans le ménage, montra une charité toute chrétienne, et l’obligea de la seconder dans les soins vraiment maternels et touchants qu’elle se hâta de prodiguer à l’étrangère. Roque revint avec la sage-femme d’Avon, et, quand nous eûmes remis notre malade entre ses mains, nous montâmes dans nos chambres, où notre modeste souper nous attendait depuis longtemps.

— Je ne pense pas que nous puissions porter aucun secours à la patiente, en cas d’accident, dit mon ami en attaquant le repas avec la fureur d’un appétit de vingt-deux ans, à moins que tu n’aies appris incidemment la médecine et la chirurgie ?

— Heureusement que non, répondis-je. Tu n’as donc pas à te préoccuper de l’éventualité d’un meurtre. Mange en paix. Si la matrone d’Avon n’a pas pris ses inscriptions, comme tant de jeunes assassins nos condisciples, elle a du moins pour elle l’expérience.