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Page:Sand - La Filleule.djvu/314

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à la maison d’un garde forestier où elle fut reçue dans une pièce fort propre, bien chauffée et servie d’un déjeuner confortable. Algénib l’y laissa seule. La femme du garde lui conseilla de se reposer quelques heures dans un bon lit. Cette femme paraissait honnête et bien intentionnée. Morenita accepta, se remit du froid et de la fatigue, et, relevée vers midi, attendit Algénib sans oser faire la moindre question sur son compte, et sans vouloir témoigner l’impatience de le revoir.

Cette impatience était vive pourtant. La curiosité commençait à remplacer l’inquiétude.

Algénib entra enfin, après lui avoir fait, non pas demander si elle voulait le recevoir, mais dire simplement qu’il avait à lui parler.

— Señorita, dit-il sans s’asseoir, je viens de pourvoir à la suite de votre voyage. Ce soir, une voiture de louage viendra vous prendre ici. Je vous conseille, malgré le froid, de ne voyager que la nuit et par courtes étapes, sans prendre ni la poste ni les voitures publiques. Quand on se sauve, il faut toujours se laisser dépasser. Le duc vous cherchera en Angleterre. Il faut n’y arriver que quand il en sera parti. Prenez donc votre temps. Voici de l’argent, il vous en faut. Vous me le restituerez quand vous aurez vendu quelques diamants. Rien ne presse ; j’ai de quoi attendre. J’ai acheté pour vous une pelisse fourrée que vous trouverez dans votre voiture, et, sur ce, je vous souhaite un bon voyage et de brillantes destinées.

— Vraiment, Algénib, vous m’abandonnez ainsi ! dit Morenita stupéfaite ; sont-ce là vos promesses ?

— Vous voulez dire mes offres. Or, des offres ne sont pas des engagements dès qu’elles ont été rejetées, et c’est ce que vous avez fait des miennes.

— Quoi ! je suis avec vous, et vous prétendez que je n’ai pas accepté vos services ?

— Mes services, oui ; mon dévouement, non ! Ne jouons pas