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Page:Sand - La Filleule.djvu/334

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— Morenita de mon âme ! s’écria-t-il rayonnant d’enthousiasme et de joie, sois bénie pour ce mouvement-là ! Tu aurais quitté ta mère pour moi, aussi ? Tu en as eu la pensée, c’est tout ce qu’il me faut. À présent, écoute. J’ai embrassé ton oiseau par méchanceté pure, comme j’ai pris, l’autre jour, devant toi, les fleurs du bouquet ; comme je t’ai dit, ce matin, que les femmes blanches étaient plus belles que les noires. Tu as été furieuse, je ne trouvais pas que ce fût assez. Ce soir, je suis content, je suis heureux, je te remercie !

— Algénib, dit Anicée d’un ton sévère, tout ce que je comprends de vos mystères d’enfants, c’est qu’elle souffre et que cela vous amuse.

— Madame, répondit Algénib en pliant aussi le genou devant ma femme, si je n’étais pas un pauvre gitano indigne, je dirais que je vous aime comme ma mère ; ne vous fâchez pas de cette parole-là ; c’est la première fois de ma vie, c’est probablement la dernière que je me sentirai assez ému, assez exalté par la joie pour avoir tant de confiance et de présomption. Vous avez été pour moi plus que celle qui m’a donné la vie, plus que la pauvre Pilar qui me l’avait conservée par ses soins. Vous m’avez donné une âme en m’accordant de l’estime, en réclamant de moi une promesse et en y croyant ! Je ne dis pas que je ne mentirai plus jamais aux hommes ; mais je ne mentirai pas plus à vous qu’à Dieu. Croyez-moi donc quand je vous dis que je rendrai votre enfant heureuse et qu’elle n’aura jamais à rougir de moi. Donnez-la-moi pour femme ; car je commence à devenir fou, et c’est demain que je suis dégagé de mon serment

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