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Page:Sand - La Filleule.djvu/37

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feuilles vertes qu’on lui avait apportée dans la chambre par précaution. La morte s’était roidie sous la couverture. Sa main livide et maigre, extraordinairement petite et bien faite, sortait du linceul et pendait à terre. Elle était ornée d’un bracelet d’or trop large qui retombait jusqu’à la naissance des doigts. Je le pris pour le donner à son fils. J’étais si accablé, que je le mis dans ma poche sans le regarder, et que je me rendormis presque aussitôt.

Ce ne fut qu’au grand jour que l’on vint me relayer. Le gitanillo n’était pas rentré. Le mulet avait disparu avec lui. Nous pensâmes qu’ils avaient été, l’un portant l’autre, chercher l’assistance de quelque vagabond de la tribu pour ensevelir la mère et emmener l’enfant ; mais cette journée et les suivantes s’écoulèrent sans qu’on entendît parler du fugitif ni d’aucun de sa race.

Dans l’attente de quelque réclamation, le maire du village s’entendit avec la mère Floche et nous, pour assurer provisoirement l’existence du pauvre être abandonné. Nous fûmes tous fort embarrassés quand il s’agit de faire dresser son acte de naissance. Nous ne savions pas le nom de la mère, nous ignorions si l’enfant pouvait réclamer une paternité quelconque. Il fallut donc l’inscrire au registre de l’état civil comme né de parents inconnus. La mère Floche porta la petite fille au baptême et la prit pour filleule, avec moi pour parrain, dans cette pauvre petite église d’Avon où un simple nom gravé sur une dalle, Monaldeschi, rappelle un des plus sombres drames amoureux du xviie siècle.

Roque, bon et généreux, vida sa petite bourse sur le berceau de notre protégée, mais n’en continua pas moins à rire de l’aventure. Il voulait qu’on donnât à la gitanilla quelque nom expressif ou burlesque. La mère Floche, qui tenait au