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Page:Sand - La Filleule.djvu/61

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Morena, avait subitement et sournoisement abandonné sa sœur auprès du cadavre de sa mère, après m’avoir attendri par le spectacle d’une douleur trompeuse.

Ce court récit fit une certaine impression sur madame Marange.

— Ma fille, dit-elle, pensons-y. Je peux braver et supporter bien des chagrins ; mais ne pas te préserver de tous ceux que je puis prévoir, je ne le dois pas, je ne le veux pas.




VI


Je m’attendais à voir mon avis prévaloir. Il n’en fut rien. Madame de Saule était le reflet le plus pur de sa mère ; mais c’était un reflet si splendide, qu’il effaçait parfois, en dépit d’elle-même, le foyer où il allait puiser la lumière. Dans cette adoration mutuelle qui semblait fondre deux âmes en une seule, il était difficile, dans les circonstances ordinaires de la vie, de trouver une différence. Anicée en paraissait même comme annihilée volontairement aux yeux vulgaires ; et, dans le monde, j’ai vu plus tard qu’on lui reprochait cette naturelle et sainte vertu de l’amour filial, comme une faiblesse d’esprit qui l’empêchait d’exister, d’avoir une idée à elle, une volonté propre. C’était l’opinion d’Hubert Clet en particulier, comme je vais avoir bientôt à le dire.

On se trompait, et, dès le premier jour, je fus à même de ne point partager cette erreur. Anicée, qui était menée à l’habitude entraînait parfois son guide. C’était l’affaire d’un