Aller au contenu

Page:Sand - La Filleule.djvu/73

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

même de costumes. Hubert, dans ses jours d’humeur, disait qu’elle n’était pas assez femme, et qu’il y avait quelque chose d’insolemment apathique à passer sa vie en robe de chambre. D’autres fois, quand il la comparait aux autres femmes du monde, il avouait qu’avec sa robe blanche ou gris de perle à larges plis et à larges manches, ses beaux cheveux bruns noués et relevés comme au hasard, elle arrivait, on ne savait comment, à être toujours la plus richement habillée et la plus heureusement coiffée. Alors il prétendait que, sous cet air de négligence et d’oubli d’elle-même, il y avait une insigne coquetterie ; car il n’était pas embarrassé pour se contredire lui-même, en étudiant comme un problème désespérant cette femme si simple et si vraie, dont la beauté morale était aussi transparente que sa beauté physique était voilée.

Tout le mystère de cet art qu’elle avait de plaire toujours aux regards en même temps qu’à l’âme, consistait dans un sentiment du vrai que je n’ai jamais vu en défaut chez elle. Si elle touchait à une broderie coloriée, sans y songer et sans s’appliquer, elle peignait un chef-d’œuvre avec son aiguille ; si elle regardait une œuvre d’art, elle en sentait immédiatement le fort et le faible avec une justesse prodigieuse ; si elle admirait un beau livre, on pouvait être sûr que là où l’auteur avait été le plus véritablement inspiré, là aussi elle était le plus vivement émue. Aussi, en nouant sa ceinture à la hâte, ou en relevant ses cheveux magnifiques sans consulter le miroir, elle se faisait, sans préméditation, poétique et belle, comme ces figures du Parthénon, largement et simplement conçues, qui semblent réaliser la perfection à l’insu de la main qui les a créées.

C’est dire assez que c’était un être de premier mouvement. Pourtant son imagination était calme, peut-être même froide ; son éducation n’avait pas été plus approfondie que celle des autres femmes de sa condition. Elle n’était savante en rien de ce qui sort des attributions de son sexe. Elle avait même dû être